Focus Report

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De quelle manière la notion d’engagements durables et favorables à l’environnement évolue-t-elle en Afrique? Quel est le degré de maturité des sociétés du continent sur le déploiement de pratiques opérationnelles respectueuses de leur écosystème? C’est cet axe de travail lié à la transition écologique que le cabinet de recherche économique britannique Oxford Business Group, en partenariat avec Thinkers & Doers, a décidé d’explorer dans le cadre des travaux des États généraux des entreprises et des entrepreneurs citoyens. La méthodologie a été de s’adresser directement aux chefs d’entreprises africains en ajoutant une question dédiée au sein du baromètre business que notre cabinet réalise de manière récurrente sur le continent: le CEO Survey. Pendant deux mois, dans huit pays différents, nos équipes ont demandé en face à face aux dirigeants qu’ils rencontraient de s’exprimer sur leur perception du niveau d’engagement écologique des entreprises de leur marché respectif. En Algérie, en Côte d’Ivoire, à Djibouti, en Egypte, au Ghana, au Kenya, au Maroc et au Nigeria, ces directeurs généraux ont livré leur sentiment sur ce point majeur de la remodélisation des business model en un schéma plus vertueux en terme d’engagements sociétaux, le développement durable étant l’un des axes clés identifiés de cette transition, au même titre que la gouvernance, les méthodes de financement, la nouvelle philanthropie ou l’éducation.

Modélisation de la question à caractère qualitative:

Dans quelle mesure les entreprises (dans le pays où vous êtes basé) sont-elles engagées dans l’adoption de pratiques durables et favorables à l’environnement?

  • Complètement engagées
  • Fortement engagées
  • Engagées
  • Peu engagées
  • Non engagées
  • Ne sais pas ou non applicable (optionnel)

Parmi les 150 réponses récoltées, un premier constat émerge de manière très claire: les entreprises du continent africain, dans leur majorité, ne considère pas encore la mise en place de pratiques favorables à l’environnement comme une priorité.

49,1% des répondants considèrent que les entreprises sont peu engagées dans l’adoption de pratiques favorables à l’environnement.

64,9% des répondants considèrent que les entreprises présentes sur leur marché respectif sont “peu engagées” ou “non engagées” dans l’adoption de pratiques durables et favorables à l’environnement. Cela témoigne à la fois d’une échelle des priorités des entreprises du continent encore peu orientée vers la transition écologique, mais également d’une sensibilité encore faible des consommateurs finaux sur ces thématiques, un constat largement partagé par les dirigeants interrogés. Il reste donc du travail pour que des synergies se créent et des bonnes pratiques soient partagées afin de pousser les sociétés africaines à intégrer des engagements écologiques au sein de leur business model.

Il faut pour autant reconnaître que ces chiffres sont également encourageants. 31,13% des dirigeants interrogés considèrent que les sociétés présentent sur leur marché sont ‘complètement engagées’, ‘fortement engagées’ ou ‘engagées’ dans la mise en place de pratiques favorables à l’environnement ; avec, dans ces résultats, une majorité écrasante d’entreprises ‘engagées’ (25,17%). Au sein d’environnements économiques encore en phase de maturation, où les priorités naturelles des dirigeants sont souvent davantage liées à la rentabilité, à la stabilité du marché, aux sources de financement ou à la quête de main d’oeuvre adaptée, ces résultats, témoins d’une évolution de l’engagement écologiques des corporations africaines, demeurent prometteurs.

Les grands groupes : montrer l’exemple

En se penchant de manière plus détaillées sur ces résultats, d’autres axes intéressants peuvent également être dégagés. Parmi les dirigeants de sociétés qui ont répondu ‘complètement engagées’ à la question du baromètre, une large majorité d’entre eux sont à la tête de grandes multinationales, telles que Philips, Vinci Constructions, Total ou Bank of Africa. Leur vision résolument optimiste de l’engagement écologique des entreprises de leur secteur respectif est sans doute influencée par les bonnes pratiques appliquées par leur propre organisation en la matière. Pour autant, cela montre que les grands groupes, de part leur manière de piloter leurs activités en Afrique, peuvent avoir un vrai rôle synergique en amenant les entreprises locales et internationales de taille plus modeste à reproduire leur approche. En entraînant dans leur sillage leur écosystème respectif, parfois en imposant des cahiers des charges rigoureux en matière d’obligations environnementales, ces grands groupes peuvent faire engendrer un effet multiplicateur visant à encrer les mécanismes d’engagements citoyens dans l’ensemble de la sphère économique du pays où ils opèrent.

Le secteur financier : un vecteur clé

Une autre grille de lecture intéressante peut être dégagée via le prisme sectoriel. En effet, au sein des 31,13% de dirigeants qui ont répondu de manière favorable à la question posée, en sélectionnant la réponses ‘complètement engagées’, ‘fortement engagées’ ou ‘engagées’, on note une présence importante de sociétés évoluant dans le secteur des services financiers (banques, assurances, établissements de micro-finance, marchés de capitaux, etc). 35% des entreprises ayant répondu de manière favorable quant à l’engagement écologique des sociétés de leur marché respectif opèrent dans le secteur financier. C’est un élément encourageant, qui démontre que les acteurs financiers africains sont de plus en plus sensibles aux engagements environnementaux des entreprises avec qu’ils travaillent. A l’instar des grands groupes, le secteur financier a donc un rôle de leader et d’accélérateur de la phase de « scaling-up » actuellement en cours. Les pourvoyeurs de services financiers peuvent amener les sociétés les plus réticentes aux engagements sociétaux à reconsidérer leur modèle en leur imposant des exigences nouvelles en la matière. Banques, assurances et acteurs des marchés de capitaux sont des vecteurs majeurs de diffusion plus large et plus rapide des solutions d’entreprises citoyennes.

Un secteur public en pointe?

Un dernier axe intéressant se dégage des résultats de ce baromètre africain : l’optimisme, véritable ou feint, des entreprises du secteur public. Bien que seulement 8,61% des dirigeants ayant répondu au questionnaire soit à la tête de groupe public, une écrasante majorité a répondu de manière très favorable à la question sur l’engagement environnemental des entreprises opérant dans leur pays.

En effet, 64% de ces dirigeants d’entreprises publiques considèrent que la sphère économique de leur pays est engagée, fortement engagée ou complètement engagée dans l’adoption de pratiques durables et favorables à l’environnement. Le droit de réserve des hommes et des femmes qui pilotent ces grands groupes étatiques peut expliquer en partie l’optimisme important de ce résultat, bien que les réponses aient été collectées de manière anonyme. Une autre explication se trouve sans doute dans l’exigence très élevée de ces sociétés sur le plan environnemental lorsqu’elles émettent des appels d’offre. Pour autant, c’est une donnée qui demeure prometteuse car les entités étatiques, sous l’impulsion des états eux-mêmes, se doivent d’être des chefs de file en matière d’engagements sociétaux. Une partie de leur ADN est d’avoir un impact social positif sur les populations. Cette ambition mérite d’être partagée et transmise aux fournisseurs et prestataires de service locaux liés à ces groupes étatiques, dans l’optique de généraliser l’incorporation d’engagements sociétaux au sein des business model de l’ensemble de la sphère économique.

On peut donc en conclure que la généralisation de pratiques durables et favorables à l’environnement connaît une tendance encourageante sur le continent africain, mais surtout que celle-ci peut être impulsée de manière efficace par certains acteurs afin d’accélérer les transformations engagées et d’élargir leur impact à l’ensemble de la sphère économique. Ces vecteurs d’impulsion sont les grands groupes, les sociétés du secteur financier et les entités publiques, qui peuvent ensemble consolider et étendre la prise d’engagements sociétaux à la majorité des acteurs de leur marché respectif.