CEO Survey Analysis

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La communauté économique tunisienne fait preuve d’un optimisme prudent quant au climat des affaires local au cours des 12 prochains mois, puisque 50 % seulement des personnes interrogées dans le cadre du dernier Business Barometer: Tunisia CEO Survey d’Oxford Business Group, affirment avoir des attentes positives ou très positives. Ce chiffre est non seulement en baisse par rapport à l’enquête précédente menée en 2017, où 77 % des chefs d’entreprises se disaient optimistes ou très optimistes, mais il est également faible par rapport aux résultats enregistrés sur d’autres marchés d’Afrique. Au Maroc et en Egypte, par exemple, ce taux atteint respectivement 73 % et 95 % dans nos dernières enquêtes, tandis que 73 % des personnes interrogées en Côte d’Ivoire et 93 % au Ghana avaient des attentes positives ou très positives.

Cet état d’esprit n’est guère surprenant : la croissance du produit intérieur brut (PIB) peine à retrouver son niveau antérieur à 2011, puisqu’elle a chuté d’une moyenne annuelle de 4,4 % entre 2005 et 2010 à 1,7 % entre 2011 et 2017. D’après les estimations du gouvernement, la croissance du PIB a atteint 2,5 % en 2018, et devrait s’établir à 3 % en 2019. La dette publique constitue une autre source de préoccupation ; elle a en effet augmenté de manière significative depuis 2010, passant de 40,7 % du PIB à 76,7 % en 2018.

Récemment, diverses circonstances défavorables ont également aggravé un environnement économique déjà fragile. Malgré une légère reprise enregistrée dernièrement, la valeur globale du dinar tunisien a chuté d’un tiers par rapport à l’euro depuis 2015, exerçant une pression sur les prix et l’inflation. En avril 2019, les réserves de change de la Tunisie s’établissaient au niveau critique de 4,36 milliards de dollars, soit environ 80 jours d’importations.

Enfin, l’incertitude politique et les élections qui étaient prévues en fin d’année (mais ont finalement été programmées mi-septembre suite au décès du président Beji Caid Essebsi au mois de juillet), ont également influé sur les résultats de l’enquête d’OBG menée au premier semestre 2019.

Il est toutefois intéressant de constater que la situation actuelle n’a pas inquiété les investisseurs, comme de telles circonstances économiques auraient pu le laisser présager. A l’échelle locale, la confiance semble solide, puisque 70 % des chefs d’entreprises interrogés ont indiqué qu’il était probable ou très probable que leur société effectue un investissement en capitaux important au cours des 12 prochains mois.

S’agissant des investissements directs étrangers (IDE), la Tunisie a enregistré une hausse de 28,6 % en 2018, d’après la Foreign Investment Promotion Agency, pour s’établir à 2,74 milliards de dinars tunisiens (951,7 millions de dollars). La part la plus importante de ces IDE a été allouée à l’expansion des activités commerciales existantes, ce qui témoigne, dans une certaine mesure, du niveau de confiance observé sur le marché. Les IDE ont suivi une tendance haussière en 2019 (+ 16,6 % en glissement annuel), pour atteindre 1,25 milliard de dinars tunisiens (434,5 millions de dollars) au premier semestre, en particulier grâce aux investissements dans l’industrie manufacturière et l’énergie. Pour 25 % des personnes interrogées, le secteur énergétique, conjugué avec le secteur minier, est l’un des secteurs qui offre le potentiel de croissance le plus grand en termes d’investissements étrangers générateurs de croissance. Il arrive en seconde position après le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), cité par 34 % des répondants.

Ces résultats sont sans surprise au vu des nombreux atouts de la Tunisie et du virage numérique opéré ces dernières années. Son emplacement stratégique, son ouverture, son accessibilité économique et sa main d’oeuvre jeune possédant de solides compétences technologiques ont incité le pays à accroître son efficacité, et mettre l’accent sur le secteur des sciences et de la technologie. Dans le cadre de sa feuille de route actuelle, Tunisie Digitale 2020, des initiatives sont menées pour améliorer les infrastructures de télécommunications, promouvoir la culture numérique, numériser les services gouvernementaux, et encourager l’entreprenariat et l’innovation. A terme, la stratégie devrait porter la contribution du secteur au PIB à 13,5 milliards de dinars tunisiens (4,7 milliards de dollars), contre 4,2 milliards de dinars tunisiens (1,5 milliard de dollars) en 2016 ; accroître la valeur des exportations numériques de 950 millions de dinars tunisiens (330 millions de dollars) à 5 milliards de dinars tunisiens (1,7 milliard de dollars) ; et créer 17 500 nouveaux emplois.

Par ailleurs, le climat d’investissement bénéficiera certainement de la série de réformes et programmes stratégiques initiés ces dernières années, qui visaient essentiellement à améliorer les normes commerciales, créer un nouveau cadre pour les partenariats public-privé, et faciliter la création de nouvelles entreprises.

La plus importante de ces réformes est sans doute la loi transversale, adoptée en avril 2019, dont la finalité est d’améliorer les conditions d’activité des entreprises et d’aligner les normes tunisiennes avec les bonnes pratiques internationales. La loi vise notamment à simplifier le processus de création d’entreprise, à renforcer la gouvernance des entreprises et à faciliter l’accès au crédit. Ce dernier point est un problème récurrent pour les entreprises et les entrepreneurs : 71 % des personnes interrogées ont en effet déclaré que l’accès au crédit était difficile ou très difficile en Tunisie, contre 57 % en moyenne sur les autres marchés couverts par OBG en Afrique. La loi transversale devrait atténuer quelque peu ces difficultés. Parmi les mesures introduites figurent une aide aux charges d’intérêts et la création de nouveaux mécanismes pour financer les investissements.

La loi Startup Act est une autre disposition législative importante. Approuvée en 2018, elle comprend 20 mesures réglementaires, et vient ainsi jeter les bases du développement d’un écosystème start-up. La législation prévoit un certain nombre de mesures incitatives et de garanties, y compris des exonérations de l’impôt sur les sociétés pour les start-ups, un financement public et une assistance au dépôt de brevets internationaux. En outre, les investisseurs de start-ups peuvent bénéficier d’exonérations d’impôt sur les gains en capital ainsi que de réductions d’impôt.

Ces dernières années ont été marquées par une prise de conscience et une reconnaissance accrues du potentiel des petites entreprises et sociétés en phase de démarrage, dès lors qu’on leur donne les moyens de prospérer. La loi Startup Act apporte avec elle l’espoir de replacer l’économie sur des bases plus solides, et en particulier de faire face à l’un des plus grands défis de la Tunisie : la fuite des cerveaux.

Depuis quelques années, la conjoncture économique incite un certain nombre de travailleurs qualifiés à quitter le pays, en quête de meilleures opportunités ailleurs. Néanmoins, si la Tunisie veut surmonter l’adversité, et tirer parti des gains économiques réalisés ainsi que des valeurs démocratiques acquises depuis la révolution de 2011, elle devra faire de la lutte contre la fuite des cerveaux une priorité. Il sera tout aussi important de développer des compétences en adéquation avec les besoins de l’économie. Pour la part la plus importante des personnes interrogées (44 %), le leadership est la compétence faisant le plus défaut en Tunisie, suivie par la recherche et développement (20 %), et la technologie informatique (8 %).